Jean GIRAUDOUX (1882 – 1944)

Entre La Rosière des Chamignoux et Simon le Pathétique.
Alors que le jeune Jean Giraudoux a 13 ans, son père Léger Giraudoux est nommé percepteur à Cérilly. Il a quitté le Limousin (Bellac puis Bessines puis Pellevoisin) pour le Bourbonnais. Cérilly rapprochait la famille de St Amand Montrond (Cher) où  Mme Giraudoux avait son frère. Plus tard ils iront à Cusset près de Vichy, où sa sœur était mariée. Ainsi perdurent les liens familiaux. Quand la famille s’installe à Cérilly, Jean, le très brillant élève, est resté pensionnaire au lycée de Châteauroux et ne vient ici qu’aux vacances. Il observe des heures durant son voisin, déjà écrivain, par une sorte d’œil de bœuf situé en direction de la maison Philippe. (cf. la page Charles-Louis Philippe sur le site)

« le spectacle de l’écrivain me remplissait de beaucoup plus d’émotion que la lecture de ses œuvres« .

Il suit avec admiration ses débuts parisiens, ramène de Châteauroux de petites plaquettes rouges sur la couverture desquelles on peut lire le nom de Charles-Louis Philippe (revue L’Enclos), on retrouvera dans la maison de Bellac la collection des Canard Sauvage où Philippe écrivit beaucoup de Chroniques.
En 1900 Giraudoux part à Paris pour préparer Normale Supérieure. Philippe y travaille depuis 1896 ; les deux hommes ne se perdront pas de vue. Leur correspondance en témoigne. De plus ils ont un ami commun, Marcel Ray, littéraire également, agrégé d’allemand, auquel ils seront fidèles.

« Je me demande si un autre homme a des amis comme j’en ai » (Charles-Louis Philippe)

Cérilly
Dans une nouvelle, Visite chez le Prince Giraudoux évoque la petite ville  de Cérilly : « J’étais arrivé vers 13 ans dans une période justement de haute civilisation » et l’écrivain d’énumérer les hommes célèbres nés ici : François Péron le naturaliste, Marcellin Desboutin le peintre et graveur, les écrivains Guillaumin et Philippe, philosophes, généraux et conseillers divers. Ailleurs il évoque le passage du roi Charles IX pour boire l’eau de St Pardoux (!) et le maximum de rendement et de perfection de la forêt. « Cérilly florissait » et il ajoute « nous sommes une trentaine que Cérilly dispersa ainsi sur le monde ».
Dans un recueil d’essais Or dans la nuit un chapitre est consacré à Charles-Louis Philippe et là, il décrit géographiquement Cérilly ses remparts, la place de l’église, l’avenue du marché, la rue de la Croix Blanche (où ils habitaient, voisins et même mitoyens !) … ajoutant quelques anecdotes facétieuses.

La littérature
La première œuvre littéraire écrite et jouée par Jean Giraudoux à 13 ans le fut à Cérilly, avant son départ pour Cusset. Il s’agit de la ROSIERE des CHAMIGNOUX.
Les Chamignoux sont un hameau charmant au cœur de la forêt de Tronçais. C’est Marie Defoulenay (amie de la famille) actrice dans cette pièce de théâtre et  témoin de cette création qui livre ses souvenirs.
« Le sujet était très simple. Un père avait 3 filles. Il voulait les empêcher de se marier. Alors, on avait inventé une rosière. Et tu ne pourrais épouser ton amant que si la rosière était dans nos familles » cite Marie Defoulenay de mémoire.
Elle continue : « Jean tenait plusieurs rôles, celui de la rosière entre autres, déguisé en femme. Non content d’être auteur et acteur, il présidait encore aux costumes et décors ».
Quelques programmes du « Théâtre Costal » nous sont parvenus dessinés et calligraphiés par l’auteur. Ils contiennent de larges extraits de la pièce :
« Dites moi la lune s
i votre rancune va bientôt passer. Dites moi la terre si votre misère va bientôt passer…. »
L’inspiration et le rêve sont au rendez vous de même que d’abondantes réminiscences et citations du théâtre classique.(Corneille, Molière), de J. de La Fontaine, de la mythologie et de l’histoire. (cf Cahier Jean Giraudoux n°15).
On retrouve la petite ville de Cérilly dans le premier recueil de nouvelles de Giraudoux  intitulé Provinciales, puis dans 2 essais littérature et Or dans la nuit, déjà cités. Enfin, dans le roman Simon le Pathétique, Charles-Louis Philippe est facilement reconnaissable dans le personnage de Philippe l’un des trois parfaits amis du héros. Il l’évoque au moment de sa mort. Toute sa vie Jean Giraudoux gardera une attention particulière aux humbles que Philippe lui avait appris à aimer. Dans le sombre hiver de l’année 40, il imagine Philippe dans la forêt de Tronçais lui racontant l’un de ses romans.
Le passage par Cérilly a plus fortement impressionné l’adolescent qu’on aurait pu l’imaginer.

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Deux articles sont consacrés à Philippe, Giraudoux et Cérilly dans les numéros 8 et 9 des bulletins de l’association Mémoire de Cérilly et du Pays de Tronçais.

M.T. Aurat

Amie de Philippe et de Giraudoux