Jacques CHEVALIER (1882-1962)

Jacques Chevalier est né à Cérilly, le 13 mars 1882. Il fait ses études dans les collèges et lycées de Clermont-Ferrand, Châlons-sur-Saône, Versailles (Hoche) et Paris (Henri IV), villes de garnison de son père, le futur général de division Georges Chevalier , directeur du Génie au ministère de la Guerre de 1910 à 1917 puis Inspecteur des Bois de 1917 à la fin de la Grande Guerre. Il est reçu brillament  à l’Ecole Normale Supérieure à 18 ans en 1900, puis à l’agrégation de philosophie (classé second) en 1903. De 1903 à 1905, il effectue un premier séjour en Angleterre à l’université d’Oxford grâce à une bourse de 2 000 francs. Il se familiarise avec la vie universitaire anglaise et parle parfaitement l’anglais. Il devient ami avec Edward Wood, le futur Lord Halifax ministre des affaires étrangères de Chamberlain. De 1905 à 1908, il est pensionnaire de la fondation Thiers destinée aux jeunes chercheurs brillants. Il achève en 1908 sa thèse sur les réveils religieux au Pays de Galles.

En septembre 1909, il est nommé professeur de philosophie au lycée de Châteauroux. Il se marie en 1912 avec la fille du docteur Louis Mercier. Quatre enfants naîtront de cette union : François, Thérèse, André et Hélène. Trois jours avant son mariage, il avait présenté au congrès de la Société Limousine de l’Arbre et de l’Eau un rapport sur la forêt de Tronçais. Ce texte fut édité en 1913 puis réédité à plusieurs reprises. Jacques Chevalier est nommé en 1912 à Lyon où il soutient sa thèse sur Aristote. En mars 1915, il est appelé dans le service auxiliaire comme interprète auprès de l’armée anglaise. Une proposition similaire avait été faite dès la mobilisation du 2 août 1914 à Alain-Fournier. L’auteur du «Grand Meaulnes» l’avait refusée : le lieutenant Fournier tenait à combattre à la tête de sa section (rappelons qu’il a été tué le 22 septembre 1914).

Après l’armistice du 11 novembre 1918, Jacques Chevalier devient chargé de cours à la faculté de lettres de Grenoble et est titularisé en janvier 1920. Il donne à sa chaire de philosophie une notoriété sans cesse grandissante, «une chaire mondiale» pour reprendre le terme du romancier Henri Bordeaux. Il participe à de nombreux congrès à l’étranger. Il se lie avec Bergson, Guitton, Mounier, etc. Ses cours sur Descartes et Pascal  sont publiés chez Plon. Son lien avec Henri Bergson est déterminant . Celui-ci est son maitre et son ami . Dans les années 30, il sort un livre : «Pour un ordre catholique» où il exprime sa pensée politique : restaurer cet ordre passe par une lutte contre «l’école sans Dieu».  Devenu en 1931 doyen de la faculté des lettres de Grenoble , il en  fait la faculté la plus importante de province , lui donne un élan particulier par ses conférences , son activité incessante .

Il publie également «Tronçais en Bourbonnais» dont Bergson dit qu’il est une «psychologie de la forêt». Tronçais occupera toujours dans la vie de Jacques Chevalier une place très importante. « Ici tout est grand  » écrit-il : une formule qui a traversé les decennies. A Tronçais , il aime le silence , la solitude , la méditation , « la contemplation de l’essentiel, l’absolue simplicité ». Il a cette belle formule : « la forêt vous apprendra plus de choses sur la philosophie que tous les livres des philosophes « . Certaines pages de Jacques Chevalier sur Tronçais sont parmi ses plus belles .

Après l’accession au pouvoir du général Franco en Espagne, il accepte sans en référer à son ministre de tutelle (Jean Zay, ministre de l’Education Nationale qui sera fusillé par la milice en juillet 1944 à Molles près de Cusset) une mission auprès du gouvernement franquiste.

Après la capitulation de juin 1940, il accueille en novembre le maréchal Pétain à Tronçais et Cérilly, quelques jours seulement après l’entrevue de Montoire avec Hitler. En décembre 1940, il entre au gouvernement du maréchal Pétain comme secrétaire d’Etat à l’Instruction Publique, poste qu’il occupe jusqu’en février 1941, avant de devenir jusqu’en novembre 1941 secrétaire d’Etat à la Santé et à la Famille. Il appartient à un courant traditionaliste alors puissant, mais qui va s’éroder avec le temps.

En décembre 1940, il a des entretiens discrets pour trouver un accord minimal avec l’Angleterre , en particulier son ami Lord Halifax ministre des Affaires Etrangères qui vient de perdre son poste . Les principaux points de ce projet concernent des livraisons en pétrole par Gibraltar, la non livraison de navires français à l’Allemagne. L’idée d’une tentative de rapprochement avec Londres fera long feu . 

Demeuré fidèle à Pétain en 1944, il est arrêté le 25 juin à Cérilly par le maquis, puis détenu à Soulongis, Tronçais, Vichy et Fresnes. La Haute Cour de Justice le condamne, en 1946, à vingt ans de travaux forcés, à la confiscation de la moitié de ses biens et à la dégradation nationale, une peine supérieure à celle demandée par le procureur de la république et motivée en particulier par des dénonciations de citoyens cérillois et d’étudiants grenoblois datées de 1943/4 . La peine est ramenée par la même Haute Cour à quatre ans dès 1946, et  en mars 1947 il est remis en liberté et amnistié.

Pendant son procès, il a souvent évoqué son amitié avec Lord Halifax. Celui-ci, ministre des affaires étrangères de Chamberlain, était présent lors de la signature des accords de Munich en 1938 avec Hitler . Partisan d’un politique d’apaisement , il avait répondu favorablement à une invitation de Goering pour l’Exposition Internationale de la Chasse au cours de laquelle il rend visite à Hitler. Lorque début mai 1940 , dépassé par les évènements ,  Chamberlain démissionne, Halifax est écarté de sa succession par une forte majorité de députés (du parti conservateur au pouvoir) au profit de Winston Churchill qui défend de manière ferme et constante, une ligne politique radicalement différente d’opposition frontale à Hitler. Quelques mois plus tard en décembre 1940 , Halifax est écarté du gouvernement ( et nommé ambassadeur à Washington ).

Après sa remise en liberté , Jacques Chevalier vécut alors à Paris, se livrant à des recherches philosophiques dans les grandes bibliothèques. Quelques années plus tard, il revint à Cérilly où dans la dernière partie de sa vie, il continua à être le chantre, l’historien, le poète de Tronçais à laquelle il consacra toute sa vie de nombreux ouvrages. Il est à l’origine de la Société des Amis de la Forêt de Tronçais : S.A.F.T. .

En 1956/1957,    il publie sa monumentale «Histoire de la pensée» en quatre volumes, puis sort chez Plon en 1959 son ouvrage « Entretiens avec Bergson ».

Il disparaît le 19 avril 1962 et est inhumé au vieux cimetière de Cérilly.